Depuis ce matin, notre héros ne fait plus rien et n’a plus de travail, puisqu’il a quitté ses fonctions de praticien hospitalier. Pourtant , il est. Il est plus que jamais, même !
Il repense à son tout premier stage en tant qu’externe de médecine. C’était dans un service de néonatologie. Aujourd’hui encore, les naissances, les premiers cris et les yeux écarquillés de ces bébés sont gravés dans sa mémoire. Il s’en souvient, pour la beauté de la vie, l’éveil au monde de ces petits êtres (qui n’ont encore rien et ne font encore rien… pourtant ils sont, eux aussi !).
Julien s’en souvient aussi avec l’idée que rien, finalement, n’est plus lent que la véritable naissance d’un Être humain. Chaque jour devrait être une naissance et une découverte, les yeux écarquillés face à la vie qui s’offre à nous.
Chaque réveil, telle une naissance, devrait nous obliger à quitter un état voire à le laisser mourir pour en accueillir un nouveau. Il se rappelle, que lors d’un accouchement, l’observation et l’intention sont absolument fondamentales, pour amorcer le travail, la délivrance et…la naissance.
Le corps est un objet physique, qui se modèle, se façonne dans le ventre de la mère, dont il sortira au neuvième mois. L’égo est un objet psychique, qui se modèle, se façonne dans le ventre de la famille, par l’éducation, puis au fil des différentes circonstances de vie, des relations aux autres, de la société etc.
Si Julien reste émerveillé face au miracle de la vie, il s’interroge cependant sur l’incapacité qu’ont pratiquement tous les humains à se délivrer de leur objet psychique : leur égo ! Au contraire, pour beaucoup, nous continuons à le façonner, à le modeler encore et encore, en nous racontant des histoires, parfaitement imbéciles. Julien a voulu y mettre fin, à ces histoires. Trop longtemps, il les a entretenues et en a été la victime.
Les quitter sera toujours moins douloureux que de les entretenir, de les étayer (l’édifice est forcément instable, car artificiel !) ; d’une façon ou d’une autre, Julien en aurait subi les conséquences, comme tout humain qui ne se délivre pas de son objet psychique, sécurité illusoire face à la vie.